« Une pièce de théâtre doit être le lieu où le monde visible et le monde invisible se touchent et se heurtent »   – Arthur Adamov

Description

Principes de fonctionnement

Principes de fonctionnement de l’ « Atelier-théâtre » – Théâtre Nomade

Le cadre de l’« Atelier théâtre » constitue le fondement de la pratique théâtrale de l’« Animateur en résidence » s’élabore en « Laboratoire théâtral » s’inscrivant dans une optique holistique de « création collective ». Portant sur les orientations et réalités des participants, soit existentielles, sociales et environnementales, il a pour mission principale de préparer le groupe à la représentation théâtrale en fonction de son orientation, du contexte de réalisation et de la temporalité du projet.

L’« Atelier théâtre » a été conçu afin de constituer les fondements de la pratique théâtrale d’un groupe, formellement constitué, cela afin d’entamer une démarche de « Création collective ». Ce concept, appartenant au paradigme constructiviste, s’adapte à la personnalité du groupe, aux circonstances de réalisation et aux visées du projet de création. Ce cadre d’exploration théâtrale doit en quelque sorte faire bousculer les postures initiales du groupe afin de le porter vers l’inconnu et initier le goût de la découverte.

Nous en présentons ici succinctement les principes complexes qui le régissent. Il a été élaboré par l’animateur à travers sa pratique et ses recherches (Richard, 2004; 2016), dont sur la notion de l’appropriation. Il est particulièrement adapté au cadre constructiviste de « Recherche-création » ou « Recherche-action ». Pour assembler les éléments, il a regroupé, dans une optique transdisciplinaire et incarnée, les concepts du « Théâtre récit » (Feldhendler, 2011; 2013), de l’« Anthropologie visuelle » (Balicki), du « Théâtre pauvre » (Grotowski, 1971) et du « Théâtre plasticien » (Akademia Ruchu).

La construction de ce cadre s’est donc effectuée à travers une forme de « Bricolage », de diverses « déambulations exploratoires » et de formation formelle mais surtout par des observations faites durant des projets de « Création collective ». Ces observations constituent le « Noyau » de la pratique transdisciplinaire de l’animateur qui se fonde sur la construction sociale de savoirs. Aussi, le pilier central de l’« Atelier théâtre » sont sans doute les « Notions Carrefour » que Barbier (2003a; 2003b) désigne comme un procédé transversal, à la fois linéaire et spiralaire, de construction de savoirs évoluant au rythme d’un projet de recherche ou de création. Pour constituer ce cadre, l’animateur a réuni neuf éléments qui sont trans-connectés à travers axiologie écologique et articulés par trois pôles, soit les « Objectifs d’action », les « Procédés de transversalité » et les « Thèmes d’exploration ».

L’« Atelier théâtre » fonctionne selon une logique ternaire, ce qui permet, entre autres, de sortir de la pratique théâtrale conventionnelle, voire de « Théâtre bourgeois » , c’est-à-dire que la « Représentation théâtrale » sort d’une relation binaire ou dualiste du théorème « Scène-salle ». Rappelons rapidement que la logique ternaire est un concept philosophique aristotélicien conçoit l’être humain d’après le triptyque « Corps-Esprit-Âme ». L’animateur estime que cette posture permet d’incarner le paradigme holistique dans la pratique théâtrale, donc d’embrasser les notions d’un théâtre total. En adoptant l’« Atelier théâtre » par un groupe, il devient son « École » de pratique théâtrale, son « Laboratoire » et son « Foyer ». L’élaboration de ce cadre, ayant été effectué dans une optique holistique, a, entre autres, pour effet de produire dans le cadre de la représentation théâtrale un « Trialogue », un triptyque formé par les acteurs, les spectateurs et la représentation des personnages qui loge dans l’imaginaire collectif des deux groupes (scène-salle). C’est donc une formation « triadique » de la représentation théâtrale que vont tenter de mettre en place les participants à travers la pratique de l’« Atelier théâtre ». Dans ce cadre, la rencontre théâtrale devient une représentation paradigmatique du « Théâtre total » (Not, 1973). L’acquisition de notions relative à la « Pensée scénique » (Avron, 1996) ainsi que leur développement contribue fortement une appropriation pleine et entière.

Certes, une telle pratique théâtrale peut être perçue de « radicale » mais les circonstances et le contexte de communication mondialisée, généré entre autres par les nouvelles technologies de communication et les réseaux sociaux. Cela autorise aussi l’animateur à concevoir que cela affecte les phénomènes d’interrelations entre les individus et, notamment, le développement psychosocial des jeunes. En effet, la pratique ancrée dans une logique ternaire permet une appropriation fine de l’origine des problèmes générés par la société dans laquelle l’être humain vit. C’est une posture théâtrale qui aborde les phénomènes de « fragmentation sociale » et du paradigme omnipotent de l’individualisme générant des problèmes de communication entre les individus et les entités sociétales. Enfin, l’« Atelier théâtre » permet ainsi d’absorber les notions d’ « obscurité », de « troubles » ou de « blessures » et de « chaos » dans la démarche de création pour s’en libérer, s’en émanciper. L’émancipation fait d’ailleurs partie intégrante de la pratique théâtrale de l’animateur. Avant d’aborder ces neuf éléments, attardons-nous à l’axiologie de ce cadre qui n’appartient pas nécessairement à cers derniers mais les conjuguent. En principe, la démarche de « Création collective » ne s’enligne pas uniquement de façon linéaire mais aussi spiralaire : les « retours » dans le temps et dans l’expérience de création et de représentation font parties des étapes successives de la « Création collective ». Et pour sortir du rapport dualiste ou confrontatoire du cadre conventionnel « Scène-salle » de la représentation : elle n’est pas une finalité mais davantage une étape nécessaire à l’approfondissement de l’expérience théâtrale, qui nous le rappelons appartient au « Théâtre total ».

L’axiologie du cadre de l’« Atelier théâtre » est nécessairement holistique, c’est-à-dire qu’elle porte sur la totalité des dimensions relatives à la vie en général. C’est toutefois une posture constructiviste ancrée dans les phénomènes de formation, donc de construction. L’animateur s’appuie sur une approche holistique que Paul et Pineau appellent « Anthropoformation » (Paul, 2005 ; Paul et Pineau, 2005 ; Pineau, 2000). Cette démarche paradigmatique de formation est la conjonction de deux termes : « anthropos », qui signifie homme, et « formation », qui englobe les notions écologiques, psychologiques et sociales, soit écopsychosociologiques. Ces trois axes anthropoformatifs se distinguent par leur nature formative, soit l’Écologisation, la Psychologisation et la Socialisation de la vie humaine que l’animateur nomme le « Triptyque anthropoformatif ».

Dans l’axe d’écologisation, on y retrouve les notions de « Milieu de vie », point central de l’humanité, alors pour la psychologisation et la socialisation on retrouve respectivement les thèmes « Être au monde » et la « pensée scénique ». Autrement dit, c’est l’espace où les protagonistes d’une rencontre théâtrale, spectateurs et acteurs, se projettent à travers cette axiologie et l’imaginaire collectif de ces dimensions. Ainsi réunis ces neuf éléments interconnectés de l’« Atelier théâtre » vont constituer au moment de la représentation un « vortex théâtral » où va s’ériger ce triptyque « Corps-Âme-Esprit », produisant, en fonction du contexte, une forme de « Trialogue ». Ce dernier, par son amplitude relationnelle du moment, va générer une forme de catharsis. Après des années de pratique, l’animateur, estimant que la quête de vérité théâtrale dans une optique de « Création collective », nécessite des conditions de réalisation et de représentation.

Éléments atelier théâtre

Description des neuf éléments de l’« Atelier théâtre »

Comme présenté plus haut, les neuf éléments de l’« Atelier théâtre » sont campés dans un paradigme holistique et articulés dans une logique ternaire, c’est-à-dire qu’ils sont toujours interdépendants ou trans-connectés et fonctionnent par un principe de triangulation. Cela signifie que ce cadre anthropoformatif dynamise le rapport aux savoirs expérientiels à travers, par exemple : le retour sur l’expérience, les objets traités et la représentation qui sont triangulés à différents moments de la création. Il s’agit donc d’appliquer le même principe de triangulation en théorème des composantes construites du projet. En résumé, rappelons que ces neuf éléments sont divisés en trois catégories d’objet : les Objectifs d’action, les Procédés de transversalité et les thèmes d’exploration. La figure « Atelier théâtre »  représente les neuf éléments dans une logique ternaire, où ceux-ci sont placés sans hiérarchisation ou sans effet de causalité, ils doivent être articulés par un principe triptyque de triangulation par les participants en fonction de leur projet dans un paradigme de la « Complexité » (Morin, Motta et Ciurana, 2003).

« Le théâtre est une cérémonie dont l’objet est de revitaliser la communauté » – Auteur inconnu

Catégorie 1

Objectifs

Objectifs d’action

Les trois objectifs d’action s’inscrivent dans une optique appropriative, c’est-à-dire qu’en fonction du cheminement d’intériorisation des notions de l’« Atelier théâtre », de l’entité du groupe et des objets de leur projet, les participants pourront ainsi articuler des théorèmes triangulés très complexes, au fur et à mesure de leur appropriation.

« (Re)vitalisation » : cet objectif à pour fonction d’éveiller et de fédérer les forces vitales d’un milieu qui, pour certaines raisons, sont éclatées ou fragmentées provoquant un phénomène d’immobilisme ou d’inertie. Le préfixe (Re-) introduit un processus de récursivité en ce sens pour pouvoir instaurer de façon viable et durable la démarche de vitalisation du milieu par la pratique théâtrale.

« Autonomisation » : ce dernier objectif a pour fonction de consolider l’autonomie chez un groupe, qu’elle soit opérationnelle, affective, artistique, politique ou économique. C’est avant tout un concept d’organisation politique par lequel un groupe d’individus, comme un syndicat, une coopérative ou simplement un regroupement de citoyens, s’approprie un pouvoir autonome d’action afin de changer leurs conditions d’oppression. L’animateur milite pour une forme d’autonomisation qui s’exprime par l’appropriation de moyens médiatiques et de médiation par une communauté ou les membres d’une entité sociale, soit l’ « auto-médiatisation ».

« Expression » : étymologique parlant, le terme « expression » désigne une « chose » ou « quelque chose » incarnée par le locuteur qu’il livre à l’extérieur, aux autres. Hors de tout doute, l’art théâtral est tributaire de la démarche d’expression qui nécessite une « réception », les « spectateurs ». Étant certes une faculté chez l’être humain, elle nécessite cependant une forme d’entrainement ou de conditionnement à s’exprimer, car l’expression est un art en soi.

En définitive, ces objectifs fonctionnent aussi par la logique ternaire et peuvent être hiérarchisés en fonction des attentes du groupe et peuvent procéder de façon évolutive.

Catégorie 2

Procédés

Procédés de transversalité

Comme « Procédés de transversalité », le promoteur établit ces « Notions Carrefour » (Barbier, 2003) comme le logiciel d’architecture où « tout » se croise et se mêle dans le cheminement de construction, où la « circularité » active le partage des énergies, des savoirs et des consciences, tandis que la « récursivité » vient incarner ce cycle vital de répétition ou renouveau dans la recherche de vérité, des questionnements ou des essais sur des objets complexes et proches des participants.

« Nous voulons de la vie au théâtre, et du théâtre dans la vie » – Jules Renard

Les principes ci-dessous permettent la construction d’un projet de « Création collective » répondent à une logique constructiviste de mise en opération. Ils n’appartiennent pas nécessairement à la pratique théâtrale en général mais davantage à la « recherche-action » ou la « Recherche-création » où les thèmes sont rattachés à la vie et aux réalités des participants. Comme pour l’ensemble de ces neuf éléments, ils n’ont pas de valeurs normatives ou mécanistes, ils permettent davantage de sensibiliser les participants et d’engager une analyse « dédramatisée » sur des objets traités, qui peuvent être parfois sensibles, complexes et difficiles.

« Circularité » : La circularité appartient également un cycle vital de toute forme de vie où l’on une forme de transfert d’énergie et qui contribue au partage des savoirs, dont les représentations. Dans une optique de « Théâtre total » (Not, 1973) est un atout majeur car permet entre autres de dégager les postures conformisantes, les Statu Quo et les blocages affectifs. Le principe de circularité n’agit de façon mécanique ou autoritaire, comme du « haut vers le vas », mais selon un principe transversal d’horizontalité.

« Notions carrefour » : Pour obtenir une vue multiple et complexe de l’objet d’un projet, le promoteur utilise un dispositif multi-stratégique de construction des savoirs. Ce dispositif est itératif, ouvert et dynamique qui fonctionne par un principe de transversalité que Barbier (2003; 2004) qualifie de « Notions carrefour ». Ce dispositif s’inscrit dans la culture du partage des savoirs et permet d’ordonner la démarche de création.

« Récursivité » : La « Récursivité » appartient sans doute le plus au monde de la création, en ce sens où les personnes créant sont en quête d’une « vérité » de création. Il s’agit donc de pouvoir répéter le théorème de trois objets triangulés sous différents angles afin de trouver une ou des réponses de représentation.

Catégorie 3

Thèmes

Thèmes d’exploration

Ces trois thèmes d’exploration a pour fonction de stratifier la démarche d’appropriation de l’« Atelier théâtre » sans fragmenter ou aseptiser la dimension anthropoformative de la découverte. La catégorie des « Thèmes d’exploration » s’inscrit dans une démarche philosophique qui va orienter la création collective et désigner de cette façon les objets et les moyens de réalisation.

« Être au monde » : thème philosophique et existentiel permet d’intérioriser des représentations du monde et de l’existence des participants, Le cadre de l’« Atelier théâtre » ayant pour but d’établir un pont ou des liens entre les différentes réalités et existences des participants établit une démarche de création théâtrale inscrite sous le thème « Être au monde » (Morin, Motta et Ciurana, 2003). À la base, cette notion est un thème philosophique car elle incarne toute la question existentielle de notre rapport au monde (Galvani, 2002) et l’intégrer à une démarche de « Création collective » en théâtre va embrasser les dimensions tant intérieures qu’extérieures.

« Pensée scénique » : Ce thème désigne, selon Avron (1996), la faculté de l’être humain de mettre en scène des actions et ses représentations ou projections. La « Pensée scénique » établit une interaction, une liaison participative entre êtres humains. Ce concept s’inscrit dans une triple dimension (Feldhendler, 2013), c’est-à-dire le « Pré-théâtre », la « Représentation théâtrale » et le « Méta-théâtre », dont la toile de fond est notre « Imaginaire commun ».

« Milieu de vie » : Le milieu de vie est une « niche écosystémique » (Bronfenbrenner, 1979; 2005), une entité projective qui se matérialise dans un environnement par le croisement des notions écopsychosociologiques. Étymologiquement parlant, le « milieu » constitue un lieu entre deux ou plusieurs entités physiques situées de façon équidistante. Aussi, une pédagogie de projet s’appuyant sur la question de l’appropriation du « Milieu de vie » contribue à développer chez les participants une relation authentique avec leur lieu de formation, de leur existence et leur cheminement formatif (Montandon-Binet, 2002 ; Not, 1973). La notion du « Milieu de vie » constitue le fondement de la relation à la fois existentielle, environnementale et sociale de l’être humain, de l’humanité. Intégrer cette notion propulse la « Création collective » dans des dimensions parfois inattendues.

« Le théâtre est un point d’optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l’histoire, dans la vie, dans l’homme, tout doit et peut s’y réfléchir, mais sous la baguette magique de l’art » – Victor Hugo

Références bibliographiques